Au chômage après avoir été renvoyé de la pièce qu'il répétait à Paris et en froid avec sa compagne Françoise, Christian se réfugie dans les Corbières chez son amie Nathalie. Celle-ci est tombée amoureuse d'Hippolyte, qui les rejoint entre deux voyages d’affaires. Son arrivée provoque des tensions, si bien que Christian s’installe à la Campagne de Cicéron, la propriété de son amie Hermance. Sur place, il constate que Françoise a également été conviée…
Construit comme une toile impressionniste, La Campagne de Cicéron peint les destinées sentimentales d’un groupe d’amis en manque d’amour. Tournée dans les somptueux paysages des Corbières, cette comédie douce-amère annonce la manière de filmer les sentiments qui marquera les années 90. Resté longtemps disparu, La Campagne de Cicéron est une pièce maîtresse du cinéma français, un sommet d’intelligence célébré par les plus grands auteurs, de Paul Vecchiali à Éric Rohmer.
« Cher Jacques Davila,
J’ai vu votre film. Ce fut un enchantement. Plus encore : un choc. De même nature que celui que j’ai ressenti, un soir de 1946 ou 7, au studio Raspail, à la projection des Dames du Bois de Boulogne. De même que Les Dames furent un film-phare des années 50, je suis persuadé que La Campagne de Cicéron sera celui des années 90.
Ne soyez pas surpris de ce rapprochement. Je sais : ces deux films n’ont guère de points communs ; je crois même que vous vous êtes débarrassé mieux que quiconque de ces relents bressoniens qui flottent encore dans le cinéma français d’auteur. Mais, dans l’un et l’autre cas, on respire dans l’œuvre un air de nouveauté indiscutable et triomphante.
De même que Bresson, en 1945, mettait en question le « réalisme poétique » de l’entre-deux-guerres, de même vous balayez d’un coup l’esthétique à la mode (et déjà démodée) durant les années 70-80 : cet expressionnisme, cette théâtralité qui se prenait pour du style, ce culte de la photo publicitaire qui n’avait rien à voir avec la picturalité, cette pauvreté de la narration et du dialogue qui décelait non plus je ne sais quelle modernité, mais l’impuissance pure et simple.
Vous vous apportez la rigueur, l’invention, l’intelligence, la poésie (la vraie, pas celle des vidéo-clips), la vérité, la beauté des mots, des gestes et, ce qui n’est pas le moindre mérite, après tant d’années lugubres, enfin, l’humour. Votre film montre que, non seulement le cinéma n’est pas « fini », mais que le monde qu’il scrute et fouille n’a pas fini lui aussi de nous révéler ses splendeurs quotidiennes. C’est un de ces films qui nous apprend à voir et nous donne envie de dire comme Rimbaud : « Maintenant, je sais saluer la beauté ». »
Eric Rohmer
Paru dans Les Cahiers du cinéma (N°429, MARS 1990)
LA CAMPAGNE DE CICÉRON
(1989 – Couleurs – 107 mn)
inédit en DVD
SUPPLÉMENTS
Réalisés par Pierre-Henri GIBERT
. UN VAUDEVILLE QUI FINIT MAL? (48 mn)
Dans les Corbières, la Campagne de Cicéron ravive la mémoire d’un monde iconoclaste et débridé, où le quotidien le plus banal devient étrange et où l’humour décalé n’est jamais loin du drame.
. LA RESTAURATION (14 mn)
Comment un film aussi récent peut-il disparaître ? Pourquoi devait-on le restaurer ? La Cinémathèque de Toulouse mène l’enquête.
. GALERIES PHOTOS
. BANDE ANNONCE
Sortie le 25 mars 2010